Une AS de choc
Par Marie-Laure Friceau
Publié dans « Le Lien » • Edition 2023
Le commando PONCHARDIER n’est pas seulement la 7e unité des forces spéciales de la Marine. Sa structure, ses compétences, son mode de recrutement, en font un univers bien particulier où la diversité et la mixité trouvent naturellement leur place.
Sur les quelques 150 marins du commando PONCHARDIER, 6 sont des femmes (5 militaires d’active et une réserviste).
Si elles sont majoritairement employées à l’escouade Commandement (GESTRH, COMLOG, RPUB), l’escouade Mer compte un matelot féminin mécanicien, et les années passées ont vu se succéder d’autres personnels féminins de spécialités diverses : mécanicien d’armes, matelot pont …
L’escouade Moyens Spéciaux a été la première à avoir à sa tête un officier féminin.
Le recrutement se fait sur les compétences techniques. La validation du stage d’aguerrissement (SCORFS), nécessaire pour tout déploiement, est totalement accessible au personnel féminin. Cette particularité du commando PONCHARDIER ne résulte pas seulement de l’évolution des doctrines d’emploi dans la Marine.
En effet, Pierre PONCHARDIER, le chef de corps du S.A.S Bataillon (S.A.S.B) créé en septembre 1945 avait déjà largement anticipé le mouvement, en accordant une véritable place à une figure féminine hors-pair : l’assistante sociale Séverine Ruellan.
C’est en Janvier 1946 que Séverine Ruellan rejoint le commando Ponchardier en Indochine.
Descendante du célèbre corsaire Surcouf, elle souhaite rejoindre une unité combattante opérationnelle, où elle sera vraiment utile. Son futur chef de corps, Pierre Ponchardier, la juge d’emblée : sous ses apparences douces et frêle, cette femme au caractère d’acier possède un dévouement et un courage à toute épreuve. Il l’accepte sur le champ, convaincu de réaliser une excellente affaire.
Il ne se doute pas néanmoins à quel point elle va se montrer indispensable en toutes circonstances, et comment ses hommes, y compris les fortes têtes, vont aussitôt l’adopter et lui vouer une véritable admiration.
Dès son arrivée, elle va se dépenser sans relâche pour le S.A.S.B, apportant partout à ses « commandos » le réconfort et le soutien de sa présence, qu’il s’agisse, en opération, des blessés ou des malades, ou au cantonnement, de tous ceux qui ont un problème administratif ou autre.
A la fin de chaque opération, les « Ponchardier » auront la joie de retrouver, avec la précieuse camionnette-foyer du S.A.S.B, la présence sympathique de leur assistante sociale qui leur fera aussitôt oublier toutes les fatigues de la journée.
Le 1er mai 1946, lors de la fameuse opération dans la région d’An-Hoa au Nord-Ouest de Thu-Dau-Mot, elle rejoint seule la base de départ du groupement en opérations et retrouve en fin d’après-midi ses « commandos » rentrant épuisés mais victorieux des abords mal famés de la rivière de Saïgon ; elle est venue ainsi de Saïgon, toute seule, avec sa camionnette-foyer, sans escorte, n’écoutant que son courage.
Sa conduite pendant la campagne lui vaudra d’être citée et le « Ponch’ » lui-même lui remettra solennellement la Croix de Guerre au cours d’une cérémonie sur la place d’armes, bd Galliéni, au cantonnement du S.A.S.B.
Après le retour du groupement en métropole, Séverine Ruellan poursuit ses activités ; elle va faire deux nouveaux séjours en Indochine, dans ce pays déchiré par la guerre mais auquel elle reste malgré tout si attachée.
Dès que la situation se dégrade en Algérie, elle part pour Alger et ses services sur ce nouveau théâtre d’opération vont lui valoir cette fois la Médaille Militaire.
En 1971, avec quelques-uns des « Ponchardier », elle va s’employer à réunir les anciens du S.A.S.B et prendra part à toutes les réunions tant nationales que régionales où tous retrouveront sa gentillesse et son dévouement.
Restée célibataire, elle se retire à Bordeaux avec sa sœur et disparait le 2 Juin 1995. Les « Ponchardier » seront nombreux à assister à ses obsèques, avec chagrin et émotion.
